J’ai eu une fausse couche l’année passée entre mai et juin, deux ans après ma première fille, environ 6 mois après avoir essayé de tomber enceinte. C’est difficile à dire quand la fausse couche est survenue. C’était relativement tôt. J’ai fait un test, j’étais enceinte. J’ai pris rendez-vous, ça a été confirmé et après j’ai eu des saignements. Je les ai rappelés et là, ils ont fait un test sur 48 h pour voir si les hormones continuaient à monter, ça doit doubler en 48 h. On a vu que ça commençait gentiment à descendre. Elle m’a dit : « Je ne peux pas vous dire si c’est une fausse couche pour l’instant, il faut attendre. Ça ne s’annonce pas très bien. » Après ces 48 h, elle m’a demandé d’attendre encore une semaine. Puis, ils ont refait une échographie de datation. Là, elle a vu qu’il n’y avait pas eu d’évolution. Donc elle m’a dit que la fausse couche allait arriver tantôt. C’est des signes qui disent que c’est en train de partir. Mais ça vient bien après, la fausse couche. Tout ça pour dire aussi que je n’avais pas du tout eu mes règles depuis que j’ai arrêté la pilule. Je n’ai pas pu dire comme quand tu as tes règles : « J’étais à 8 semaines ».
Les conditions étaient un petit peu particulières. C’était une année spéciale l’année passée, j’avais pas mal de problèmes au travail. J’avais perdu beaucoup, beaucoup de poids. En fait, j’imagine que ce n’était pas les bonnes conditions réunies pour avoir un enfant à ce moment-là. C’est juste que je n’avais pas le moral, j’étais à deux doigts de faire un burn-out. Tout était conditionné comme ça. J’avais 34 ans.
Je suis tombée enceinte, mais par hasard. J’ai fait un test et c’était positif. C’était vraiment par hasard. Après j’étais monstre heureuse parce que ça n’allait pas du tout dans ma vie. C’était vraiment la super bonne nouvelle. C’était incroyable. Ça n’allait pas du tout et c’était un peu le truc inespéré, enfin pas dans l’attente des règles, mais c’était une super bonne nouvelle.
Je ne sais plus si c’était le matin ou l’après-midi, peut-être le matin au réveil j’ai été aux toilettes. Tu t’essuies et y a beaucoup de sang rouge, très clair, pas du sang de règles mais vraiment comme quand tu te coupes. Ça n’a pas duré longtemps, peut-être pendant une heure. Chaque fois que j’allais aux toilettes, je voyais. Ce n’était pas au point de mettre une serviette hygiénique ou un truc du style, mais je voyais qu’il y avait du sang vif. Je me suis dit : « Ah, mais y a pas non plus des masses. » J’avais entendu que quand on faisait une fausse couche, il y avait genre beaucoup, beaucoup de sang. Je me disais : « Bon c’est peut-être pas ça. » En même temps, tu te dis : « Bon, mais c’est quand même pas normal… » J’avais déjà eu une grossesse avant. Je n’avais jamais eu de saignements. Après je me suis dit : « Ah, c’est peut-être des règles surprises! » Tu t’imagines plein de choses et après tu vas voir sur internet. Et là, t’es complètement chamboulée. J’ai appelé le médecin.
Elle m’a prise tout de suite. Elle a dit que ce n’était pas bon signe, mais ça ne voulait pas dire que c’était une fausse couche, mais fallait voir, fallait attendre. Tout de suite, j’ai fait une prise de sang. Elle m’a dit de revenir 48 h après avoir fait la prise de sang. Suite à ça, ils m’ont téléphoné pour fixer un rendez-vous une semaine après. Toujours dans l’attente, tu peux faire un décollement d’utérus, ça peut faire des saignements, si le bébé n’est pas bien fixé ou un truc du style. Du coup, ben non pas pour moi.
Le moment d’attente c’est horrible, c’est vraiment affreux. Internet, ça a aussi ces mauvais côtés… Moi, j’ai été beaucoup voir. T’essayes de te rattacher qu’aux bons témoignages, mais quand tu vois les mauvais témoignages… Tu vois qu’ils te ressemblent quand même beaucoup. Tu te dis que peut-être tu fais partie de ces quelques témoignages qui sont positifs. En plus, j’avais les 30 ans à ma sœur et à mon beau-frère le week-end entre deux. C’est pénible parce que tu dois faire semblant de boire à un anniversaire. Tu dois faire comme si tu étais super festive. Et en fait dans ce doute, tu dois quand même faire attention parce que tu es enceinte, enfin voilà… C’était pénible. Le jour où je suis allée chez la gynécologue, t’as d’abord les 48 h, après ces 48 h, on te dit encore une semaine. Et t’espères quand même en fait! C’est ça qui est aussi un peu difficile, c’est d’espérer.
En plus ça tombait super mal. La semaine d’après, quand je suis allée chez la gynécologue qui m’a dit qu’effectivement c’était une fausse couche qui était en train de se dérouler. C’était peut-être le mercredi et le samedi, je partais en croisière, le truc génial… pour une semaine avec toute ma famille. On avait prévu d’annoncer que j’étais enceinte à ce moment-là, donc voilà.
Je suis partie en croisière et le vendredi soir j’ai senti que je commençais à avoir mal au ventre. Je pense aussi le fait qu’elle t’annonce que c’est vraiment foutu, ça libère quelque chose dans ton corps. Elle m’avait dit : « On attend si après vos vacances, ce n’est pas sorti tout seul, on fera un curetage. » Du coup, c’est arrivé pendant mes vacances…
Chez moi, c’est venu un petit peu, petit à petit. J’ai eu des douleurs. Je ne me rappelle plus si c’était le jour du départ ou la veille. Peut-être le jour du départ, j’ai commencé à avoir des douleurs de règles assez fortes et il n’y a rien qui venait. Après ça a commencé un peu à venir. Tu as du sang. Je ne sais pas si c’était psychologique, mais je n’osais pas mettre un tampon. Je me disais : « Peut-être qu’il faut que ça sorte, peut-être il y a un truc qui va sortir. » Je n’en savais trop rien. Bon, moi, je n’aime pas me mettre des serviettes hygiéniques. Je ne sais pas, je pense que c’était psychologique et je n’osais pas mettre quelque chose qui bouchait!
Le premier jour où est arrivé sur le bateau pour la croisière, on a pris l’apéro. Et ma sœur, elle nous fait : « Bon ben si y a quelqu’un qui est enceinte, c’est le moment de le dire! » Voilà, bon ça a plombé l’ambiance parce que je suis partie en pleurant. C’était vraiment toutes les conditions qui n’étaient pas très bien réunies finalement. Mais bon, c’était clair et tout le monde était au courant. Finalement, chez moi, je n’ai pas eu énormément de sang. Ça a duré trois, quatre jours, assez étalé, des grosses règles.
Ma maman savait parce que je lui avais dit que j’allais chez le médecin la semaine d’avant. Mes sœurs forcément, elles étaient un peu mal à l’aise parce que ma petite sœur avait dit ça. J’ai dit : « Bon ben je dois vous dire que voilà. » Elle était toute désolée, mais elle ne pouvait pas savoir. Ce n’était pas marqué sur ma tête que j’avais une fausse couche à ce moment-là. Ce n’était pas grave. Elles ont aussi compris que c’était des vacances un peu différentes. Toutes ces conditions, plus encore la fausse couche, c’était un peu spécial. En plus en croisière, tu ne peux rien jeter dans les toilettes. Ouais c’est très spécial. (Rires) Déjà que des vacances à la mer quand t’as tes règles, c’est pas top, mais alors là.. sur une croisière. Et le bateau c’était un catamaran donc t’es vraiment très à l’étroit. Ce n’était pas une croisière avec 3000 cabines.
Mon mari a réagi d’une manière très masculine j’ai envie de dire. Pour lui, voilà ça devait arriver donc c’est arrivé comme ça. Pour lui, les conditions n’étaient pas réunies. Je ne pouvais en tout cas pas avoir un enfant, physiquement, à ce moment-là. C’était un peu normal pour lui que ça arrive comme ça. Il était tout chou, tout gentil, mais j’ai l’impression qu’il n’a pas senti ce que j’ai vécu. Mais je pense que c’était un peu à cause de ces montagnes russes de sentiments. C’était une mauvaise période, une super bonne nouvelle incroyable que tu n’attends pas, après c’était l’attente, après finalement c’était la mauvaise nouvelle. Je me rappelle, on était allé à une soirée, un anniversaire. On était dans la voiture. On revenait de Lausanne. On a eu 40 minutes pour discuter. Il me dit : « Ouais, mais c’est comme ça, Marion, ça devait arriver. Ce n’est pas grave. Ça ne fait pas longtemps qu’on essaie. » Je ne sais pas, j’ai eu un monstre gros chagrin. Vraiment des gros sanglots qui sont arrivés. J’ai senti qu’il n’a pas compris que je pouvais être si triste. Alors c’est clair que ce n’est entre guillemets rien, dans ton corps. Ce n’est pas un enfant. Il y a bien pire dans la vie. Mais je ne sais pas, tu ne peux pas expliquer. Je pense que c’était à cause de ces sentiments qui étaient tellement hauts. Ils sont redescendus. J’ai eu beaucoup d’attente finalement dans ce bébé qui devait arriver. Et voilà, ça ne s’est pas fait. Avec du recul, c’est clair que rien n’était réuni pour que ça marche. Tu vois les choses différemment. Mais sur le moment, j’ai eu vraiment mal au cœur.
Mon homme est beaucoup plus fataliste. Il prend les choses beaucoup plus sereinement. Il est plus terre à terre. Après c’est vrai qu’un homme, il ne se rend pas compte parce qu’il n’y a rien qui se passe dans son corps. Ce n’est pas lui qui a des saignements. Ce n’est pas lui qui à chaque fois va aux toilettes et qui se dit : « Mince, est-ce que j’ai du sang, pas de sang, un petit peu, pas beaucoup. » T’es systématiquement en train d’évaluer ton corps. J’ai eu l’impression que le jour où j’avais fait un test de grossesse, que mon ventre avait grossi. (Rires) Et j’étais tellement maigre à cette époque, j’avais le sentiment d’avoir du ventre. Je pense c’est psychologique. T’as des choses qui bougent. Tu sens un peu, t’as mal aux seins. Je n’en sais rien si c’est psychologique, mais t’as l’impression que t’as des nausées. T’as les hormones qui augmentent. Chimiquement, ça se passe. L’homme ne sent pas tout ça donc forcément il se rattache seulement à ce qu’on lui raconte. Je ne suis peut-être pas non plus la fille la plus expressive. Et il ne peut pas comprendre la même chose.
La douleur est passée avec le temps. Mais sinon je n’ai rien fait. Encore une fois, ça se couplait avec la période de vie que c’était, ça n’allait pas bien. Du coup, j’avais commencé à voir quelqu’un, une psychologue, pour moi. On n’a pas fait un gros travail là-dessus. J’ai raconté. J’avais été chez une première dame et elle me dit, ça m’avait un peu vexée : « Bon y a deux, trois larmes qui coulent, mais ça a l’air d’aller! » Je me disais :
« Mais si elle se rattache à mes trois larmes pour expliquer ma douleur… » J’avais été un peu vexée de ça. Ce n’est pas parce qu’on ne pleure pas qu’on n’est pas triste. (Rires) Ouais, je n’avais pas aimé ça. Après j’ai trouvé quelqu’un d’autre qui était bien. J’ai plus eu trop envie de raconter. Elle m’a un peu coupée. Ta douleur ne se résume pas à tes larmes.
T’as plein de facteurs. T’as les hormones. T’as cette bonne nouvelle finalement qui devient une mauvaise nouvelle. Donc c’est aussi quelque chose à digérer. Je pense que si tu ne l’as pas vécu, tu ne le comprends pas. Et bon, c’est un sujet un peu tabou. Y a pas beaucoup de gens qui sont au courant de comment ça se passe. Et comment les gens vivent ça.
Pour ma grossesse actuelle, quand j’ai été chez le médecin récemment, il me dit :
« C’est votre troisième grossesse. » Et je lui dis : « Non, c’est la deuxième. » Puis il me dit : « Ah non, mais on compte tout. » Ça fait bizarre de dire que c’est le troisième enfant entre guillemets.
J’ai eu beaucoup d’appréhension sur toutes les étapes du premier trimestre. Après les x jours, je me rappelais que j’avais fait mon test de grossesse et x jours après, je savais que j’étais enceinte et ensuite j’avais eu ces saignements. Donc j’attendais chaque date. Par exemple, on est parti en vacances pile quand j’ai su que j’étais enceinte. Il y avait beaucoup de choses qui se coordonnaient. Pendant les vacances, j’ai eu des saignements donc je commençais à me faire un peu du souci. En même temps, j’étais en Birmanie donc c’était juste pas possible d’avoir un contrôle médical ou autre. Tout à coup, un jour, j’ai eu l’impression que mes seins s’étaient dégonflés. Mais, je pense, c’est psychologique. J’ai dit à mon mari : « Je crois qu’il y a un truc qui se passe pas bien. Je sens plus rien en fait. » Pendant une semaine et demie, jusqu’à ce que j’aie eu le contrôle quand on est revenu, j’étais sûre que je n’étais plus enceinte. Mais je pense que c’était une préparation psychologique à me dire qu’au contrôle des trois mois, ils me disent : « C’est fini. » Je pense que c’était un mécanisme de protection parce que je n’en ai plus du tout parlé. Je n’ai pas fait une montagne là-dessus. Dans ma tête, j’allais en me disant : « Elle va m’annoncer une mauvaise nouvelle. »
C’était assez drôle parce que j’ai fait le contrôle des trois mois et finalement une semaine après Stéphane me disait toujours : « Mais mon dieu, t’as le ventre qui a monstre gonflé. » Je pense, t’as tout qui se met physiquement et visuellement en place du moment que dans ta tête c’est bon. J’avais cette appréhension du premier trimestre, mais après c’est parti. Là, je me dis que j’ai plus les mêmes étapes que l’autre grossesse du coup, c’est tout du neuf. Je n’ai plus un point de rattache à un problème.
Je suis à trois mois et demi maintenant. Après voilà, on n’est pas à l’abri, mais les gros soucis en général, c’est le premier trimestre.
Je n’ai pas d’images qui sont restées gravées, mais un chagrin, un truc dans le cœur.
Un vide. Je me suis sentie à l’extérieur de mon corps. T’es dans l’attente, t’accompagnes cette personne qui a cet enfant, mais d’une manière extérieure. Je me rappelle aussi que quand on m’a dit que c’était fini, il m’a fallu, je pense, deux semaines pour recommencer à boire de l’alcool. Mon beau-père me disait : « Mais tu prends l’apéro maintenant. » Mais je n’arrivais pas. Comme s’il fallait que je revienne dans ce corps, que c’était bon, que c’était en ordre.