Témoignage transcrit fidèlement de l'audio

Nathalie*

J’ai eu une fausse cou­che, j’avais 28 ans. C’était à Nouvel An 2015-2016. J’allais bien­tôt avoir 29 ans. C’était à envi­ron 8 à 10 semai­nes.

Je vou­lais tom­ber enceinte, c’était un sou­hait. Je ne l’ai pas remar­qué tout de suite. Je l’ai remar­qué quand j’étais à 4-5 semaines, je crois. J’avais mon con­trôle annuel chez ma gyné­co­lo­gue et je lui ai demandé de faire un test, pour voir. On ne sait jamais. Quand elle m’a pris le sang, qu’elle a ana­lysé mon urine, c’est là qu’elle m’a annoncé que j’étais enceinte. Donc super, t’apprends ça chez le gynéco. Alors mon con­trôle annuel s’est trans­formé en con­trôle de gros­sesse. Là, tout avait l’air d’être en ordre, de ce qu’on voyait à ce moment-là. Par après, on se dit tou­jours : « Chiotte, j’ai fait quoi pen­dant les cinq der­niè­res semai­nes? Qu’est-ce que j’ai bu, j’ai mangé? Qu’est-ce que j’ai pris que j’aurais pas dû? » Mais voilà, il n’y a rien eu de super grave… À part notre spec­ta­cle de danse. Mais bon, là, je ne savais pas encore. Voilà, c’est comme ça que j’ai décou­vert. J’étais con­tente vu que c’est ce qu’on vou­lait.

Il me semble que c’était le len­de­main de Nouvel An, le 1er jan­vier ou le 2. On avait encore des invi­tés à la mai­son qui était venus de France. Donc ils dor­maient chez nous. D’un coup, j’avais des sai­gne­ments. Quand j’allais aux toi­let­tes, c’était tou­jours rouge. Et il y avait comme des petits mor­ceaux, je n’aurais pas su défi­nir ce que c’était. Je ne me suis pas inquié­tée tout de suite. Je me suis dit : « Est-ce que ça pour­rait être à cause des règles qui sont plus là? Ou je ne sais quoi. » Et bref, j’avais quand même ça toute la jour­née et il me sem­blait, de plus en plus. J’ai eu peur. Du coup, j’en ai parlé… ben à mon ex. Il a senti que j’étais inquiète, que ça me fai­sait vrai­ment souci. Alors en pani­que, on a com­mencé à appe­ler ma gyné­co­lo­gue. Mais bien sûr, le 2 jan­vier ou le 1er, ben per­sonne ne tra­vaille. Comme d’habi­tude quand on en a besoin, ils ne sont pas là. (Rires) J’avais aussi dit à celle qui était chez nous, de France, car elle a eu trois enfants. Je lui ai dit que j’avais peur et elle a essayé de me ras­su­rer en me disant : « Ah, mais c’est peut-être juste des petits sai­gne­ments. Ça peut arri­ver quand on est enceinte au début… » Mais ouais, moi ça me fai­sait quand même peur. Après on a réussi à trou­ver un gyné­co­lo­gue d’urgence à Berne, à l’hôpi­tal. Je leur ai expli­qué et ils m’ont dit de pas­ser pour voir ce qu’il en était. On a été de suite.

Là, on a attendu un petit peu, mais pas trop long­temps, heureusement. Quand elle a fait l’écho­gra­phie, elle a vu qu’il n’y avait plus de bat­te­ments de cœur. Elle, elle m’a dit que c’était bizarre, qu’elle pen­sait qu’à mon der­nier con­trôle que j’avais eu, il y aurait déjà dû avoir quel­que chose de pas nor­mal. Elle pen­sait même que déjà à ce moment-là, le bébé n’était plus vivant. Alors que ma gynéco m’avait fait écou­ter le cœur. Enfin, on l’enten­dait! Donc, j’ai dit : « Non, non, mais elle m’a fait écou­ter, ce n’est pas pos­si­ble. » Elle m’a dit juste­ment que le bébé avait l’air d’avoir entre 8 et 10 semai­nes alors que j’étais cen­sée être à ma 11e. Enfin, je ne sais plus trop les détails. Donc ouais, c’est là qu’elle a dit qu’il n’y avait plus rien.

Mon ex était avec moi quand il y a eu ça. Ben voilà, j’ai pleuré c’est clair, lui aussi un petit peu. Il a essayé de me con­so­ler et que voilà c’est des cho­ses qui arri­vent. La méde­cin aussi, direc­te­ment elle m’a dit qu’il ne fal­lait pas du tout que je m’en veuille, que ça arri­vait à beau­coup plus de gens qu’on pense. Et qu’il n’y a pas de rai­son à ça, c’est la nature. On ne peut pas se dire : « Ah je n’aurais pas dû faire ci, je n’aurais pas dû faire ça. » Il n’y a vrai­ment aucune rai­son à se don­ner la faute.

Après l’hôpi­tal, j’ai dû atten­dre le len­de­main ou deux jours après. Je ne sau­rais plus dire en détail. En tout cas, c’était de nou­veau un jour ouvra­ble. Et je devais appe­ler ma gynéco. Elle, après, me faisait le rendez-vous. Ah non, j’ai dû atten­dre 2 jours, car j’ai appelé ma gynéco et elle m’a donné le rendez-vous pour le lendemain. Là c’était une sen­sa­tion bizarre, se dire que main­te­nant il faut encore atten­dre 2 jours alors qu’il n’y a plus rien… Mais t’as un truc en toi qui n’est plus vivant. Ouais ce n’était pas top comme sen­sa­tion, comme sen­ti­ment. T’es plus enceinte, mais t’as quand même encore quelque chose en toi qui ne vit plus. Ouais, t’as un truc mort en toi en fait! Du coup, j’avais hâte que je puisse enfin y aller. Ma gyné­co­lo­gue m’avait pres­crit un truc. J’ai dû pas­ser pour pren­dre une sorte de tablette. Je devais la pren­dre le matin avant d’aller pour le cure­tage. Et le jour où je devais aller, j’ai com­mencé à avoir extrê­me­ment de dou­leurs. Je com­men­çais vrai­ment à avoir mal, mais pas régu­liè­re­ment. C’est par après que je me suis dit : « Ça pour­rait être des con­tra­ctions, que le corps, il rejette. En tout cas, c’est ce que je me suis dit. Et le truc
« drôle », on va dire, dans cette histoire. C’est que ma gynéco quand elle m’a donné la tablette, elle m’a dit : « Il faut la pren­dre le matin. » J’étais là : « OK. » Mais la pren­dre cette tablette… moi les tablettes en prin­cipe, je les avale par la bou­che! Mais là en fait, cette tablette c’était à met­tre par en bas! (Rires) Et moi je l’ai ava­lée avec de l’eau! (Rires) Mais si on ne me dit pas les cho­ses! Et avec la tablette, il n’y avait pas de notice qui disait com­ment, quoi! Mais bon, voilà, j’ai pris cette tablette.

Et sur la route pour aller jusqu’à l’hôpi­tal, j’avais vrai­ment de plus en plus, fré­quem­ment, de dou­leurs, vrai­ment for­tes, des cram­pes, hor­ri­bles! Et je sai­gnais encore, j’avais tou­jours des sai­gne­ments. Et arri­ver à l’hôpi­tal… la pape­rasse… « Ouais… alors veuil­lez atten­dre, vous allez signer les papiers… ouais… alors atten­dez. » Et moi j’en pou­vais plus de dou­leurs, j’arri­vais plus à par­ler. Je com­men­çais vrai­ment à m’éner­ver à leur dire : « Non, mais écou­tez, vous voyez pas que je suis… dans quel état je suis? Enfin, c’est bon quoi! » — « Non, mais on est obligé, gnagnagna…! » Après j’ai encore eu une dis­cus­sion avec l’anes­thé­si­ste qui vou­lait aussi savoir des trucs! Et elle, elle voyait que j’en pou­vais plus, vrai­ment que j’avais des dou­leurs. C’est là qu’elle m’a demandé : « Ouais, mais la tablette, vous l’avez… euh… enfi­lée ? » J’ai dit : « Euh enfi­lée… enfin par la bou­che oui ! » (Rires)
— « Ah non, ce n’est pas par là. »
— « Ouais ben moi, on ne me dit pas… » Là j’ai dit : — « Mais euh… c’est grave ? C’est pour ça que j’ai mal ?! »
— « Non non, c’est bon, ça fait aussi son effet. Peut-être un peu moins, mais ça fait aussi l’effet que ça doit. »

Juste­ment, pour reje­ter en fait, donc ça a aidé encore plus. Je me rap­pelle aussi d’une image que j’ai dans la tête. J’ai dû aller aux toi­let­tes à l’hôpi­tal. Et là je crois qu’à ce moment-là, dans les toi­let­tes à l’hôpi­tal, je pense qu’il y a le plus gros qui est sorti, qui est tombé dans les toi­let­tes. Parce que j’ai regardé et il me sem­blait avoir vu une cer­taine forme. Et c’était assez gros, comme un noyau. Par contre j’avais tou­jours des dou­leurs. Après ils ont vrai­ment vu que j’en pou­vais plus de dou­leurs. Je leur ai raconté ce qui était arrivé aux toi­let­tes, que ça sai­gnait et tout. Là, ils m’ont vite mise en cham­bre. Au lieu de me faire atten­dre encore plus, alors qu’il y aurait eu d’autres cas qui auraient dû pas­ser avec moi. Ils m’ont prise direc­te­ment. Après c’était déjà parti pour l’inter­ven­tion quoi.

Ils m’ont anes­thé­siée. Ils m’ont déjà donné une piqûre pour me cal­mer. J’avais déjà moins de dou­leurs, mais je les sen­tais encore un peu. Et j’avais juste envie que ça se finisse. Vrai­ment, j’en avais marre! Déjà, atten­dre ces deux jours jusqu’à ce que je puisse y aller. Après ces dou­leurs et après j’étais sur cette table. Je me rap­pelle. Et l’anes­thé­si­ste : « Ouais alors là, on va bien­tôt y aller. » J’étais là : « Mais oui, mais s’il vous plait allez-y ! J’en peux plus… Faites quel­que chose. » Elle m’a endor­mie. Au réveil, en fait, j’étais super sou­la­gée que ça soit fini. C’était un sou­la­ge­ment que main­te­nant ce soit bon, que je n’aie plus de dou­leurs, que j’aie plus ça en moi. C’était un sou­la­ge­ment en fait.

J’ai pu ren­trer le soir. J’ai dû rester jusqu’au soir. C’était le matin que j’avais rendez-vous. J’ai dû rester encore tout l’après-midi. Je suis ren­trée vers 8 h du soir, comme ça. J’étais encore un tout petit peu stone, mais j’étais con­tente de pou­voir ren­trer parce qu’il y avait une femme bizarre avec moi dans la cham­bre. Ce que je n’ai pas trouvé très cool dans l’hôpi­tal, c’est qu’en fait la nana, elle avait déjà un enfant. Et elle, elle était là pour enle­ver la matrice, pour tout enle­ver. Parce qu’elle avait des com­pli­ca­tions, des mon­stres dou­leurs et tout. Et il y a son mari et ses enfants, je crois même deux enfants qui sont venus dans la cham­bre. Toi en fait tu viens de subir une perte. On vient de t’opé­rer pour ça. Et à côté, t’as la nana qui se ramène avec ces deux enfants. À ce moment-là, t’as juste envie de la flin­guer quoi! (Rires) En plus, elle se fait enle­ver le truc que toi t’aime­rais pou­voir uti­li­ser pour faire un enfant, parce que ça n’a pas mar­ché! Ça, ce n’était pas top. Donc j’étais con­tente de pou­voir me bar­rer de cette cham­bre, de pou­voir juste­ment oublier, ouais enfin, oublier… oublier sur le moment…

Le corps médi­cal m’a bien expli­qué les cho­ses. Bon après ils n’ont pas réflé­chi pour la nana avec moi dans la cham­bre. Ils pour­raient, fran­che­ment. Je veux leur faire un mail. (Rires) Ils ont mille cho­ses à pen­ser, je veux bien, mais ça a quand même un effet psy­cho­lo­gi­que.

Mon mari était pré­sent. Lui disait : « Ben voilà, ce sont des cho­ses qui arri­vent. Et puis, on rées­sa­yera. » Mais il n’en a plus du tout parlé ou quoi que ce soit. Voilà, c’est arrivé et on va de l’avant.

Alors moi, je n’ai rien fait. Beau­coup de gens m’ont dit : « Ah, mais tu veux faire un rituel? Tu veux faire un coin, comme un mémo­rial ou quel­que chose? » Je ne res­sen­tais pas du tout ce besoin ou cette envie. Peut-être si j’avais su avant que j’étais enceinte, je me serais déjà plus habi­tuée à cette idée d’être enceinte, d’avoir un enfant. Donc ça fai­sait depuis pas long­temps que je savais. Et droit après, c’est arrivé. Je n’ai pas du tout res­senti le besoin de faire quoi que ce soit, d’aller voir quelqu’un ou non. Après par la suite, j’ai été voir quelqu’un, mais pas du tout pour ça. Et là, on m’a dit : « Ah, mais y a encore peut-être juste­ment, le bébé, l’esprit, quel­que chose qui est encore là. » Alors que moi j’avais déjà oublié. Je suis assez vite pas­sée par des­sus, je peux dire.

Mal­heu­reu­se­ment, j’avais dit à des gens. Vu que c’était Noël-Nouvel An, on avait annoncé à Noël comme cadeau sur­prise de Noël! Super… C’était ça en fait qui m’a fait le plus de peine, je crois. Et sur­tout de devoir le dire, tu sais quand on te dit à toi, tu prends l’infor­ma­tion, t’es là : « OK, oui, c’est arrivé. » Mais après quand toi tu dois redire… à quelqu’un qui t’est très pro­che et que tu sais très bien qu’il se réjouis­sait énor­mé­ment, comme ma mère. Ça, ça m’a fait de la peine. Ça m’avait ren­due tri­ste de pas avoir pu abou­tir à ce qu’on avait annoncé, à ce qu’ils espé­raient depuis un petit moment. Je pense que ça, c’était la par­tie la plus dure en fait. Je sais plus exac­te­ment com­ment j’avais dit. Mais comme j’avais dû aller à l’hôpi­tal, au con­trôle et tout. Je crois que je les ai appe­lés, vu que j’étais à la mai­son après. J’ai appelé ma mère, j’étais sûre­ment en pleurs. Je lui ai dit que j’avais perdu l’enfant à cause des sai­gne­ments et tout. Il me semble que ma mère était… parce qu’elle aussi elle a vécu ça… qu’elle était très com­pré­hen­sive. Elle n’a pas pleuré au télé­phone en tout cas je n’ai pas remar­qué. Elle a peut-être pleuré après! Pour ne pas me rendre encore plus tri­ste, je pense. Elle s’est sûre­ment rete­nue, con­nais­sant. Voilà après, tout le monde a dit : « Mais tu sais, ce sont des cho­ses qui arri­vent, ce n’est pas grave. » Ben c’est là que t’apprends des gens, quand tu leur dis : « Ah, mais tu sais, moi aussi avant d’avoir… j’ai aussi eu deux faus­ses cou­ches. » T’es là : « Ah OK! » Donc dans un sens, ça te ras­sure un peu quand même de savoir qu’eux aussi ils ont eu ça, que tu n’es pas seule au monde. Ça n’arrive pas qu’à toi.

Après j’ai dû long­temps ne pas tom­ber enceinte. Parce que j’avais encore comme des petits mor­ceaux qui sor­taient. Et ils ont dit, vu qu’ils venaient de faire ça que c’était dan­ge­reux de retom­ber enceinte tout de suite. J’allais une fois par mois au con­trôle chez ma gynéco. Par contre, là, dans ma vie, il y a beau­coup de cho­ses qui ont changé avec mon ex-mari. Du coup, ce qui a fait qu’on n’a pas rées­sayé.

Ça a com­mencé déjà quand je suis tom­bée enceinte. Je m’atten­dais à plus d’émo­tions alors que je con­nais­sais très bien la per­sonne, que je savais qu’elle ne mon­trait pas beau­coup d’émo­tions. Mais je me suis tou­jours dit : « Ah ben au moins le jour où on aura des enfants ça sera sûre­ment plus. Et je me suis aussi tou­jours dit : « Ah ben le jour où on aura des enfants, il arrê­tera sûre­ment de fumer des joints. » Et quand je lui ai annoncé ça, pas plus d’émo­tions. Et par après il m’a dit : « Ah, mais tu sais, ce n’est pas parce qu’on aura des enfants que je vais arrê­ter de fumer. Je peux fumer en cachette, pas devant les enfants, ça, c’est sûr. » Donc là déjà je me suis dit : « Bon ben super! Tout ce que j’espé­rais qui s’arrê­te­rait peut-être un jour, en fait ne s’arrê­tera jamais. » Et quand il y a eu cette perte, je pense que ça m’a ouvert les yeux que ce n’était pas ce que je vou­lais. Ce n’est pas ça ou cet homme-là que je veux avoir à mes côtés et à côté de mes enfants pour le res­tant de ma vie. J’en avais plein le cul si je peux dire, déjà qu’il fumait tout le temps, de devoir tou­jours cacher à toute ma famille, et plus tard devoir cacher aux enfants. Ouais enfin, vrai­ment plein le cul. Ça m’a vrai­ment bien cham­bou­lée. Ça m’a bien ouvert les yeux sur cer­tai­nes cho­ses. Ce n’est pas que ça la rai­son, par après y a encore pleins de trucs. Mais il fal­lait qu’il arrive quel­que chose pour que j’ouvre les yeux sur plu­sieurs autres cho­ses. C’est là que voilà, il y a eu sépa­ra­tion.

Non, je n’y repense pas vrai­ment, même à Nouvel An. Pour moi, ce n’est pas une date de décès. Pour moi une date de décès que j’oublie­rai jamais, c’est la date de décès de mon cou­sin. Parce que ça c’était vrai­ment pro­fond, mais là, de la fausse cou­che, non. J’y pense peut-être quand je vais chez mon gynéco et que là actuel­lement j’essaie aussi d’avoir des enfants. Il y a les ques­tions qui se posent : « Ouais, mais est-ce que vous pou­vez avoir des enfants? » Et là t’es obligé de dire : « Oui, mais écou­tez, j’ai déjà été enceinte une fois donc ça a l’air de fon­ction­ner. » C’est à ce moment-là que ça res­sort! Mais y a aussi les gens quand ils te deman­dent: « Ouais et alors c’est quand? Peut-être il y a un souci de santé. Je suis là : « Non, mais j’ai déjà… C’est bon! »

Ce n’est pas un truc qui m’a pro­fon­dé­ment mar­quée. La sépa­ra­tion avec mon ex-mari m’a pro­fon­dé­ment mar­quée, le décès dans ma famille m’a mar­quée. Pour l’instant, c’est les deux cho­ses les plus hor­ri­bles que j’ai vécues dans ma vie. C’est ça. Et la fausse cou­che, je ne la met­trais pas dans cette caté­gorie-là. C’est une expé­rience tri­ste, mais comme grâce ou à cause de cette expé­rience, j’ai ouvert les yeux sur autre chose dans ma vie qui main­te­nant me rend heu­reuse. De toute façon, je suis une per­sonne posi­tive donc je regarde vers l’avant et j’en tire le posi­tif.

Un truc dont j’ai dû me débar­ras­ser pour ne pas repen­ser tout le temps à ça, une copine m’avait prêté un truc pour écou­ter les bat­te­ments de cœur de bébé, pour mettre sur ton ven­tre. Et ça, je pou­vais plus l’avoir devant les yeux. Ça me fai­sait tout le temps repen­ser à ça. Donc cet appa­reil qui res­sem­blait à un Walk­man avec les écou­teurs à l’ancienne, je l’ai vite « jarté »! Le sang, la quan­tité, ces gru­meaux, de devoir remet­tre ces gros­ses cou­ches, quand t’as tes règles, t’as ces gros trucs que tu peux met­tre, j’ai dû met­tre ça. L’image du moitié fœtus dans les toi­let­tes m’est restée. Mais aussi, moi, pliée en quatre dans cette voi­ture jusqu’à Berne tel­le­ment j’avais mal.

Vu que je ne savais pas com­ment ça se pas­sait pour faire ce cure­tage, j’avais été lire. Et ce qui m’était resté, c’était écrit qu’ils allaient comme grat­ter! Là, moi je voyais qu’ils allaient comme un peu à la chasse à l’or, enfin qu’ils grat­taient, qu’ils creu­saient dans la mon­ta­gne pour arri­ver au trou (rires) pour sortir ce qu’il y avait dedans, ouais ce truc de grat­tage. Le mot grat­ter, j’ai trouvé assez hard. Du coup, je m’imagi­nais vrai­ment qu’ils allaient grat­ter comme avec un cou­teau. C’est des ima­gi­na­tions qu’on se fait! Ouais, un truc de grat­tage. Je ne me rap­pelle plus en détail ce que j’avais comme sen­ti­ment, mais je sais que j’en avais vrai­ment marre quoi… Je vou­lais que ça s’enlève tout de suite! J’avais envie de me débar­ras­ser. C’était pres­que un far­deau de devoir por­ter encore ce truc en toi alors qu’il ne sert à plus rien. Et tu as l’impres­sion que les méde­cins, ils te font atten­dre. Tu dis, mais : « Tout de suite! Faites-moi sor­tir ce truc! J’ai plus envie là, c’est bon. Je sais que c’est mort. Enlève-moi ce truc! » Vrai­ment un truc lourd à por­ter quand même, même si tu ne sen­tais rien. Comme si ça te blo­quait en fait. Ta vie, elle est figée. Elle est figée, tu dois atten­dre, jusqu’à ce qu’on te « défige ». (Rires) T’es sur stand-by et après d’un coup tu dois atten­dre qu’on te remette sur play pour qu’enfin ils puis­sent t’enle­ver ça et que tu puis­ses conti­nuer ta vie! Parce que là, ta vie elle est… tu ne peux rien faire, tu vas aux toi­let­tes t’as du sang, t’as tout le temps ce truc qui te rap­pelle, trop bou­ger pas non plus, se tenir plu­tôt tran­quille. Donc ta vie, elle est vrai­ment sur pause, attends et après c’est bon tu peux con­ti­nuer.

Et après, je n’ai pas été bos­ser une semaine et je n’avais pas dit au bou­lot. Donc là, t’es un peu une « men­teuse ». Tu dis : « Ah, j’ai une gastro. » « Ah tu restes une semaine à la mai­son pour une gastro, en plus après Nouvel An. » (Rires) Donc ben oui, t’es mal vue : « Tcheu après Nouvel An, déjà deux semai­nes de vacan­ces, elle se rajoute une semaine. » Ouais ben, tu n’aurais pas voulu vivre ce que j’ai vécu mon gars!

*prénom d'emprunt.

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